Monsieur le Maire, chers collègues,
Effectivement, cette réforme n’est pas bonne. Elle est mauvaise.
La loi de « transformation de la fonction publique territoriale », votée par la majorité de l’Assemblée nationale le 6 août 2019, a des conséquences profondes sur l’organisation de la fonction publique territoriale, les droits et obligations des agent.es, le dialogue social et le statut des fonctionnaires territoriaux.
Nous considérons que cette loi ne répond pas aux défis d’un service public pour le 21eme siècle, qu’elle porte en elle un appauvrissement des moyens et de l’autonomie des collectivités locales, et donc du service rendu aux habitant.es. Elle pose, entre autres, l’obligation pour l’ensemble des employeurs publics de se mettre en conformité à compter du 1er Janvier 2022 avec la durée annuelle du temps de travail à 1607 heures, mettant fin aux dérogations existant jusqu’ici.
Nos services publics, longtemps considérés comme les joyaux de notre république sociale sont maltraités, démantelés, fusionnés ou privatisés au nom d’un dogme qui vise à favoriser le marché, à abaisser la dépense publique et à considérer le fonctionnaire comme un nanti.
Nous n’oublions pas que le service public est en première ligne pour combattre une crise sanitaire, économique et sociale inédite par son ampleur et sa violence, et où ses agent.es font quotidiennement la démonstration de leur investissement et de leur attachement à remplir leurs missions au service de l’intérêt général. Nous n’oublions pas qu’avec le gel du point d’indice, les agent.es de la fonction publique perdent chaque année de leur pouvoir d’achat, alors que les missions qui leur incombent n’ont jamais été aussi lourdes. Mais le plus scandaleux est qu’en pleine crise, le paiement des dividendes mondiaux a augmenté de 22% en glissement annuel pour 2021 concernant les 1200 entreprises cotées et que la ministre de la fonction publique a annoncé le 9 décembre que ça n’était pas le moment de revaloriser le salaire des fonctionnaires.
Dans le contexte de crise économique et sociale que nous connaissons, nous portons l’idée que l’ensemble de la société devrait bénéficier d’une réduction du temps de travail : c’est une question de justice sociale, d’émancipation et aussi un formidable outil potentiel de relance économique.
Aujourd’hui, les collectivités ont l’obligation d’appliquer ces nouvelles dispositions, sous une menace comptable de la préfecture.
Plusieurs maires de notre territoire à l’initiative du maire de Bobigny ont adressé une lettre ouverte au préfet pour une demande de dérogation dans l’application de ce décret. Le président du conseil départemental a saisi, le 6 décembre dernier, la ministre de la transformation et de la fonction publique.
Monsieur le Maire, vous auriez pu vous joindre à eux, au nom de notre ville, et saisir le préfet.
Ils dénonçaient l’annulation de tous les accords relatifs au temps de travail des fonctionnaires territoriaux, qui avaient été négociés dans les collectivités au fil des ans dans le cadre d’un dialogue social paritaire. Il s’agit bien souvent de jours de congés supplémentaires, d’applications plus favorables des autorisations d’absence, de congés exceptionnels au moment du départ en retraite … Autant de mesures aujourd’hui précieuses pour aider les agents à résister à des conditions de travail particulièrement tendues.
Ces injonctions sont dangereuses pour la pérennité des services publics. Elles remettent en cause l’attractivité de la fonction publique et la reconnaissance de la pénibilité de certains métiers. Pour en faire la démonstration, je prendrai l’exemple du département de la Seine Saint Denis : l’augmentation du temps de travail à 1607 heures correspond à 500 suppressions d’emplois et à près de 21 millions d’économies sur le dos des agents.
Macron avait promis de supprimer 50 000 postes de fonctionnaires : avec cette réforme ce sont 57 000 équivalents temps plein qui sont supprimés et près de 3 milliards d’économies réalisées, toujours sur le dos des agents. Et je vous invite à aller regarder du côté de la fonction publique hospitalière où ces mesures sont appliquées depuis une quinzaine d’années. On comprend pourquoi l’hôpital n’est plus en capacité d’accomplir ses missions de permanences des soins et que partout en France on ferme des lits et des services en pleine crise sanitaire. Aujourd’hui les soignants fuient l’hôpital public car le secteur privé leur offre de meilleurs salaires et conditions de travail.
Cette loi vient détruire le service public et faire le lit des privatisations, comme le recours à des embauches contractuelles ou les externalisations de services … Ce sont les services publics qui sont en danger et en finalité la population qui sera pénalisée.
Alors que des accords d’entreprise se font dans le secteur privé, on supprime la liberté d’accords dans la fonction publique, mettant ainsi en danger son avenir.
Alors que le principe de la libre administration des collectivités territoriales est inscrit dans la constitution, elles perdent leur autonomie dans la gestion du personnel et plus largement dans la gestion communale. La refonte de la fiscalité et la transformation des taxes communales en dotation viennent rompre le lien direct entre l’habitant et l’impôt local, finançant le service public de la commune, principe d’indépendance de la gestion communale. C’est inquiétant, sachant que ces dotations pourront servir de variables d’ajustement alors que les communes ont besoin de moyens renouvelés.
A Bagnolet, ce sont plusieurs jours de congés par an qui seront perdus par les agents si on applique froidement cette loi sans aménagement. Et ce sont des jours issus du fruit de conquêtes sociales construites localement au cours des décennies passées.
Nous le savons, dans notre société le capitalisme règne, les nantis sont de plus en plus riches, pendant que d’autres s’enfoncent dans la misère ou bien s’efforcent de survivre. Pour beaucoup, les fins de mois difficiles débutaient il y a quelques années le 25. Aujourd’hui, c’est dès le 18 ou même le 16 du mois que le porte-monnaie est vide.
Pour elles, pour eux, pour nos salarié.e.s, Il ne reste presque plus que nous, élu·e·s de gauche, élu.e.s de proximité pour les écouter, les recevoir, les défendre.
Cette délibération soumise à notre examen va ouvrir encore plus les vannes de la précarité au sein de notre collectivité. Elle fait craindre le pire pour nos services publics, nos agents et la population.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre.
Mohamed Djennane
En vidéo (20ème minute) : https://www.ville-bagnolet.fr/index.php/videos_conseil_municipal_bagnolet.html